14 décembre 2022 – Au fait, c’est quoi la défense pénale? épisode 4/7 – « Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi »

 » Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi « 

La défense pénale nous apporte, en tant qu’avocats, une expérience humaine extrêmement enrichissante. Loin des clichés, nous sommes, le temps du dossier et de la procédure, proches de nos clients. Nous devenons, un temps, leur confident. Ils nous divulguent des secrets qu’ils n’évoqueraient avec personne d’autre. Avec certains jeunes clients, je deviens un peu leur grand frère, le temps du dossier.

Nous défendons tous types de personnes, venant de tous les milieux sociaux : serveur(se), homme ou femme de ménage, inspecteur des impôts, notaire, agent de sécurité, berger, médecin, livreur, pilote de ligne, entrepreneur, chômeur, ingénieur… Quelle richesse !

Dans ce dossier, j’ai accepté d’assister un homme, qui m’a touché. Il a sollicité mes services depuis la prison où il est incarcéré en attente de son procès. Il est indigent, c’est-à-dire, dans le langage pénitentiaire, qu’il n’a aucune ressources. Il n’a pas les moyens de me payer. Sa famille l’a quasi-entièrement renié. Il n’a pas d’autres visites en prison, à part moi ou les avocats du Cabinet. Il a entendu parler de moi en prison, et il me remercie à chaque fois que je le vois d’avoir accepté de le défendre. Il a un peu honte de ne pas pouvoir me payer. Son affaire m’a touché, sa personnalité aussi. A travers les faits qu’il a commis, les motivations de son acte, je vois l’enfant qu’il a été, très seul, plein de souffrances. A travers l’homme qu’il est, je défends un peu l’enfant qu’il a été. Sa solitude intérieure me pousse à lui apporter mon aide, à porter sa voix. J’apprécie son honnêteté, sa sincérité. L’affaire étant en cours, je ne peux dévoiler ce qui lui est reproché.

Récemment, il a subi un épisode de stress intense, au cours d’un acte d’enquête. Avant le début des opérations, le Juge d’Instruction m’a autorisé à m’entretenir avec lui, comme c’est d’usage. Au bord de la route, nous avons improvisé un local d’entretien, éphémère. Les agents de la pénitentiaire nous ont laissés seuls – à bonne distance de surveillance – à l’arrière du camion de transport, pour que nous puissions nous entretenir brièvement. Là, dans le froid, sur cette banquette arrière, dans un véhicule entouré de surveillants, je lui adressé mes derniers conseils de préparation, répondu à ses doutes et interrogations. Puis, sans prévenir, les larmes lui sont montés aux yeux. Il m’a rappelé que j’étais le seul à lui rendre visite en détention.

Puis, il m’a dit,

 » Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi « .

C’est cela aussi, la défense pénale.

A suivre…

 

 

 

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